lundi, décembre 29, 2014

WKW for BMW

The Follow - Wong Kar-Wai, 2001



The Hire est sans doute la plus belle série de publicités jamais faites. Il s’agit d’une série de courts-métrages commandée par BMW donnant quasi carte blanche aux réalisateurs choisis : seule obligation, Clive Owen dans le rôle principal d’un conducteur (d’une voiture de la marque, évidemment). Les réalisateurs choisis étaient tous des réalisateurs confirmés : John Woo, John Frankenheimer, Tony Scott, Alejandro Gonzalez Inarritu et donc Wong Kar-Wai.

Réalisé peu après ou peu avant In the mood for love (la chronologie de tournage de WKW est de toute manière incompréhensible à cette époque-là), The Follow est la première incursion du Hongkongais dans le cinéma américain. Dans les huit minutes que durent ce court, on retrouve tout ce qui fait la spécificité de son cinéma : des plans longs, travaillés et d’une beauté à se damner (WKW délaisse pour un temps son acolyte Christopher Doyle à la photographie pour le regretté Harris Savides, qui atteint ici des records de beauté, juste avant son travail sur la trilogie de Gus Van Sant, qui lui-même travaillera plus tard avec Christopher Doyle, sur Paranoid Park), une ambiance mélancolique et une bande-son raffinée. Seuls changent ici les lieux, les acteurs et la langue. Il est par ailleurs incroyable de voir à quel point l’univers du réalisateur se fond dans l’univers américain sans le moindre problème.

Ici donc The Driver (Clive Owen, comme à son habitude parfait) est missionné par le producteur (Forest Whitaker) d’un acteur célèbre limite parano (Mickey Rourke) pour suivre la femme de celui-ci (superbe Adriana Lima) dans chacun de ses mouvements. Mais si le scénario semble, résumé ainsi, être celui d’un film d’action somme toute assez classique, le traitement de l’histoire par Wong Kar-Wai en fait tout autre chose.

Il s’agit surtout de magnifiques séquences de suivi (parler ici de poursuite serait faire injure à la douceur des plans – s’il y a bien une séquence de poursuite dans le film, elle est tellement rapide qu’on ne peut quasiment la nommer ainsi), où la voix-off de Clive Owen nous explique comment pister quelqu’un en voiture. Ces différentes séquences, montrant la diversité des situations possibles (dans la circulation d’une grande ville, dans les routes de campagne, quand la personne s’arrête et sort de la voiture ou à pied – tout ceci sur une très belle ballade cubaine), sont entrecoupées des séquences de flash-back montrant les diverses étapes ayant mené jusqu’au recrutement de The Driver.
Dans une superbe séquence proche de la rêverie (tandis que la partie musicale sans paroles s’achève et que la chanteuse entame sa part), la femme s’endort sur le comptoir d’un bar d’aéroport et The Driver se rapproche d’elle, tombant il est sûr complètement amoureux de celle-ci (l’histoire tragique de l’amour impossible est d’une récurrence métronomique dans le cinéma de Wong Kar-Wai), et découvre l’œil au beurre noir de celle-ci, qui essaye manifestement de fuir l’homme qui tente de la faire suivre.

Il ne reste plus à The Driver qu’à annoncer au producteur avoir perdu la trace de la femme, lui rendre son argent et lui ordonner de ne jamais plus le rappeler. Quelques années plus tard, Wong Kar-Wai sortira son premier et seul long-métrage hollywoodien, My Blueberry Nights, échec cuisant tant au niveau des critiques qu’au niveau des spectateurs. Depuis, les cinéphiles de mon époque ont grandi, ils ont oublié Wong Kar-Wai ou n’y pensent plus que par nostalgie, ne croyant même plus en un retour possible. Celui-ci est pourtant annoncé. Espérons qu’il soit à la hauteur de ces années d’attente.

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