jeudi, octobre 23, 2008

Not in the mood for love, not anymore...

Les Cendres du temps (Dung che sai duk) - Wong Kar-Wai, 1994


Ma désaffection au cinéma de Wong Kar-Wai, ça fait maintenant un long moment que je la sentais venir. Quand je repensais à son cinéma (exception faite du merveilleux 2046, voire de son petit satellite La Main), je ne supportais plus ce spleen constant, cette mélancolie à propos des histoires d'amour qui passent, que l'on rate, que l'on aurait aimé ne pas rater mais qui, quand elles nous reviennent dessus, ne nous empêche pas de les rejeter une fois encore. Tout ça, pour le dire clairement, ça me fatiguait de plus en plus. Déjà, ma première vision d'In the mood for love, peu après l'immense choc esthétique que fut 2046 lors de la première vision, me l'avait fait paraître particulièrement fade. Certes, comme toujours chez Wong Kar-Wai, il s'agissait d'un beau film, superbement cadré, doté d'une bande-son classieuse. Mais déjà, je me sentais extérieur à cette histoire terrible d'amour soi-disant impossible entre Tony Leung et Maggie Cheung.

Dans 2046 et dans La Main au moins, cette même idée (toujours aussi détestable) était relayée par un passage à l'acte physique qui, de fait, pouvait permettre de faire regretter la relation une fois celle-ci passée. Ca n'est pas la fin du monde, mais c'était déjà un peu mieux. Toutefois, plus que cela, ce qui rend ces deux films si indispensables, c'est bien l'apport du meilleur directeur de la photographie, à son sommet. Avec Christopher Doyle faisant des merveilles, WKW devenait le maître du plan dessiné certifié sixties : le maniérisme élevé au rang d'exemple artistique. De fait, et sans Christopher Doyle et les nuits du Hong Kong des années 1960 dans My Blueberry Nights, la désaffection s'en était ressentie, le film ayant fait un bide tout autant critique qu'au niveau des spectateurs.

Et pourtant, j'en reviens maintenant à Ashes of Time, je serais bien incapable de lui reprocher quelque chose de spécial (quelque chose qui lui serait propre par rapport aux autres films de WKW), alors qu'il s'agit sans doute du film le plus fou et le plus libre de WKW. Ce film m'a en fait permis d'appréhender Wong Kar-Wai dans sa totalité. Après avoir vu ces quelques derniers films, il me restait encore quelques espoirs (bien maigres, autant l'avouer) sur le début de sa carrière, sur un cinéma qui aurait été un brin moins fleur bleue et moins porté sur le romantisme désespéré. Et que nenni, je m'aperçois que le cinéaste hongkongais a toujours été comme ça.

Ainsi, et j'en suis un peu triste, Ashes of Time se retrouve obligé de porter le lourd fardeau du premier Wong Kar-Wai détesté objectivement et pour des raisons claires et distinctes. Son aspect trop déconstruit (et ce malgré une refonte du montage pour éclaircir l'histoire dans cette version redux - j'imagine à peine ce que devait être la version originale), l'impression de revoir dix fois la même histoire avec des personnages différents (dont au moins quatre dans celui-ci) et toujours ce spleen qui achève de rendre les personnages pitoyables et, inévitablement, drôles (tout autant que ces multiples plans surexposés et colorés n'importe comment, rappelant le pire de l'esthétique des années 1980) ont achevé de le rendre insupportable à mes yeux. Je pourrais même en rajouter une petite couche pour lui reprocher de n'être qu'un ersatz de "wu xia pian", où les combats de sabre - finalement peu nombreux - se voient remplacés par les interminables passages de questionnements existentiels des différents personnages.

Triste rôle pour ces Cendres du temps qui n'auront jamais aussi bien porté leur nom : elles indiquent qu'il existe sans doute un temps donné pour apprécier Wong Kar-Wai et, qu'une fois ce temps dépassé, il n'en restera rien, pas même un regret.