World War Z - Marc Forster, 2013
Les derniers films du genre avaient laissé le zombie en
déperdition absolue, objet désormais inutile, remplaçable à l’envi par
toute autre chose potentiellement inquiétante : un extraterrestre, un
requin, un poulpe. S’il n’était plus que l’ombre de lui-même, c’est
parce qu’il a été rattrapé par la réalité de son public. Par essence
vide, il était d’abord représentation de l’être humain se retournant
contre lui-même et surtout représentation d'un autre mal (ici le racisme
et la Guerre du Vietnam, là la société de consommation). Son public a
évolué, le mort-vivant est devenu objet de culte et sa chute s’est
accélérée. Ne représentant plus rien, il était donc nommable et a, de ce
simple fait, cessé d’être objet d’effroi (la connaissance annule la
peur). Zombieland (critiqué ici : http://ukhbar.blogspot.fr/2010/01/zombieland-ruben-fleischer-2009.html)
prenait acte de cette impuissance effective grâce à un tour de force
sémantique et scénaristique : le film ne se situait plus dans un monde
en train de tomber, mais dans un monde déjà tombé. De là, le terme «
zombie », pourtant absent des films du genre, pouvait être prononcé
parce qu’on y avait l’habitude de vivre avec eux (autant dans le film
que dans la réalité des spectateurs) et qu’on ne faisait déjà plus
attention à eux. Warm Bodies, peu après, enfonçait le clou en faisant du
zombie le dernier objet hipster, héros en vue subjective d’une bluette
où une jolie fille pouvait bien tomber amoureux d’un mort-vivant, au
point où on est.
Avec World War Z, le zombie devient partie prenante à un blockbuster, délaissant les coins sombres des films fauchés de série B à Z. Cela s’accompagne d’un basculement scénaristique de taille, transformant le paradigme dans lequel se tiennent les aventures de zombies. Pour mieux comprendre cette transformation, revenons un instant sur la question sémantique : une des règles implicites du film de morts-vivants est que les personnages de celui-ci ne prononcent jamais le terme « zombie », et il peut en être déduit que ces films se passent dans un monde qui ne connait ni les zombies ni le mot lui-même (univers donc, au moins sur ce point, légèrement différent du nôtre). World War Z se passe dans notre réel : des gens, parmi les premiers témoins du phénomène, ont cité le mot en Z. C’était d’ailleurs déjà le cas du roman-chorale de Max Brooks, où un concert de voix se mêlait pour témoigner de la guerre des zombies. Forster abandonne cet aspect-là du livre et, si les critiques ont déploré ce manque de respect à l’œuvre originale, il semble qu’il s’agisse ici d’un choix pertinent, tant le film-chorale (genre à part entière s’il en est) semble à mille lieues du film de zombies. World War Z se contente donc d’un seul personnage : Gerry (Brad Pitt), agent des Nations Unies, comme le personnage central du livre.
Et si le film commence comme n’importe quel film de zombies, par l’histoire toute simple d’une famille sans problèmes qui, par une belle journée, se retrouve prise nez à nez avec une épidémie (mondiale, non, on n’en sait encore rien) de zombies, on en sort progressivement, passant de la fuite habituelle, celle de la survie pure et simple, hors de la ville – cette partie-là est d’ailleurs peu intéressante, l’action et la tension étant peu présentes tant Gerry (Brad Pitt) semble largement maîtriser que ce qui arrive –, à une course-poursuite. Cette course-poursuite à l’échelle mondiale est celle à la recherche du patient-zéro, le premier infecté, avec comme objectif de découvrir dans son cas les motifs d’un remède, d’une guérison.
La force de World War Z réside également dans sa capacité à embrasser – enfin dans un blockbuster – le monde entier. Jamais auparavant n’avions-nous eu cette impression, si forte ici, d’assister à la chute lente mais inexorable du monde réel. Le scénario nous fait passer progressivement du micro au macro à chacune de ses séquences : d’abord la famille, à New-York ; puis le groupe, en Corée, où l’absurdité de cette lutte démesurée est démontrée en une seconde par la mort cruelle d’un scientifique censé être le spécialiste n°1 dans le domaine des virus ; enfin la population entière d’un État, en Israël, où les vagues (littérales) de zombies détruisent la ville comme un tsunami. A noter qu’ici, comme dans L’Armée des morts de Snyder, les morts-vivants courent, tout autant pour signifier l’urgence (non pas, ici, de la fin du monde consumériste mais de celle du monde tout court). La dernière partie, plus anecdotique et discutable dans sa qualité et dans son intérêt, nous fait retourner dans un environnement confiné, les bureaux de l’OMS en Irlande, comme si le film, après s’en être détourné comme jamais aucun autre, se devait de retourner à une situation bien connue du genre, pour la pervertir et terminer le film sur un happy-end. Qu'à cela ne tienne, le bien est fait. Bien malin qui pourra prédire la suite.
Avec World War Z, le zombie devient partie prenante à un blockbuster, délaissant les coins sombres des films fauchés de série B à Z. Cela s’accompagne d’un basculement scénaristique de taille, transformant le paradigme dans lequel se tiennent les aventures de zombies. Pour mieux comprendre cette transformation, revenons un instant sur la question sémantique : une des règles implicites du film de morts-vivants est que les personnages de celui-ci ne prononcent jamais le terme « zombie », et il peut en être déduit que ces films se passent dans un monde qui ne connait ni les zombies ni le mot lui-même (univers donc, au moins sur ce point, légèrement différent du nôtre). World War Z se passe dans notre réel : des gens, parmi les premiers témoins du phénomène, ont cité le mot en Z. C’était d’ailleurs déjà le cas du roman-chorale de Max Brooks, où un concert de voix se mêlait pour témoigner de la guerre des zombies. Forster abandonne cet aspect-là du livre et, si les critiques ont déploré ce manque de respect à l’œuvre originale, il semble qu’il s’agisse ici d’un choix pertinent, tant le film-chorale (genre à part entière s’il en est) semble à mille lieues du film de zombies. World War Z se contente donc d’un seul personnage : Gerry (Brad Pitt), agent des Nations Unies, comme le personnage central du livre.
Et si le film commence comme n’importe quel film de zombies, par l’histoire toute simple d’une famille sans problèmes qui, par une belle journée, se retrouve prise nez à nez avec une épidémie (mondiale, non, on n’en sait encore rien) de zombies, on en sort progressivement, passant de la fuite habituelle, celle de la survie pure et simple, hors de la ville – cette partie-là est d’ailleurs peu intéressante, l’action et la tension étant peu présentes tant Gerry (Brad Pitt) semble largement maîtriser que ce qui arrive –, à une course-poursuite. Cette course-poursuite à l’échelle mondiale est celle à la recherche du patient-zéro, le premier infecté, avec comme objectif de découvrir dans son cas les motifs d’un remède, d’une guérison.
La force de World War Z réside également dans sa capacité à embrasser – enfin dans un blockbuster – le monde entier. Jamais auparavant n’avions-nous eu cette impression, si forte ici, d’assister à la chute lente mais inexorable du monde réel. Le scénario nous fait passer progressivement du micro au macro à chacune de ses séquences : d’abord la famille, à New-York ; puis le groupe, en Corée, où l’absurdité de cette lutte démesurée est démontrée en une seconde par la mort cruelle d’un scientifique censé être le spécialiste n°1 dans le domaine des virus ; enfin la population entière d’un État, en Israël, où les vagues (littérales) de zombies détruisent la ville comme un tsunami. A noter qu’ici, comme dans L’Armée des morts de Snyder, les morts-vivants courent, tout autant pour signifier l’urgence (non pas, ici, de la fin du monde consumériste mais de celle du monde tout court). La dernière partie, plus anecdotique et discutable dans sa qualité et dans son intérêt, nous fait retourner dans un environnement confiné, les bureaux de l’OMS en Irlande, comme si le film, après s’en être détourné comme jamais aucun autre, se devait de retourner à une situation bien connue du genre, pour la pervertir et terminer le film sur un happy-end. Qu'à cela ne tienne, le bien est fait. Bien malin qui pourra prédire la suite.